Shapeshifter - The system is a vampire



Depuis combien de temps n’avez-vous pas écouté de drum’n bass ? 2003 probablement et la disparition douce et progressive des formations telles que Asian Dub Foundation …
« Pourquoi ne pas reprendre ce voyage, tumultueux et expressionniste ? » tel est le postulat de Shapeshifter.


Loin d’être des nouveaux venus, ce groupe néo-zélandais enflamme le cœur de ses auditeurs, des festivals anglo-saxons et des critiques musicaux depuis 10 ans désormais. Formé de musiciens expérimentés au parcours allant du jazz au toast en passant par le rock et l’électro, Shapeshifter se débarrasse en douceur de toute étiquette musicale, tel un caméléon fascinant.


Si l’orchestration est massive et le chant sec et syncopé sur « Dutchies », le premier morceau du disque, il suffit de l’introduction soyeuse et léchée de « Lifetime » pour comprendre que le groupe n’aime pas le cantonnement dans un style. Et c’est maintenant que le voyage commence.



Oui, les rythmes sont tourbillonnants et créent une spirale qui étourdit, mais voilà sans cesse des ruptures et ponts où naissent avec suavité des cuivres charnels ou des claviers mélancoliques. La drum’n bass disparaît, elle n’est plus que le reflet d’une ville hyperactive qui s’estompe dans les volutes lumineuses et ventées d’une rêverie nocturne. La voix se fait écho, la caisse claire sonne comme la ligne blanche de la route et le clavier éblouit sourdement comme les néons d’une façade déjà dépassée.


« The longest day » et ses cuivres dorés évoque un retour abasourdi à la civilisation, l’éblouissement d’un aéroport fourmillant d’électricité après un vol de nuit dans la douceur de l’espace.


« The touch », joyau délicat d’orchestration, de piano et saxophone vous emporte au bord de votre existence. Dans une de ces balades où la nuit est votre maîtresse, charnelle et pourtant fugace, vidant le cœur et remplissant les yeux. Les cymbales sonnent comme le sang dans les oreilles et la vue se trouble. On perd le contrôle et les chaînes de sa vie au même instant. Quand les rythmes se font galopants, c’est de fuite dont on rêve : partir loin, d’une façon ou d’une autre. La voix se fait conscience et les zestes de saxophone déchirent l’âme pour mieux la rendre vivante.


« Twin galaxies » ressemble à ce soir où le travail vous retient tard. On trouve un second souffle, les gestes se font mécaniques, l’esprit s’évade. Puis on rentre en taxi, le regard perdu dans toutes ces lumières ésotériques d’une vie qui coule de l’autre côté de la vitre. On n’est nulle part, on est partout, en même temps.


« Sleepless » qui conclut l’album porte son nom comme une vérité : voilà à quoi ressemblent ces nuits où on ne veut pas dormir, où on ne peut pas. Caisse claire et piano jazz sonnent comme la pluie dans ses yeux, et le saxophone parle à votre cœur, tandis que la voix magique de Paora ‘P Digsss’ Apera ressemble à cette compagnie intangible qu’on souhaiterait trouver.
La vue par la fenêtre parait si solitaire et pourtant si chaleureuse. La pluie lave votre esprit doucement. Quand la guitare arrive enfin, c’est votre cœur qui lâche, ouvrant les vannes des doutes et des petites douleurs, pour enfin les refermer avec délicatesse et vous laisser libéré, lavé.


Mêlant avec une justesse insolente les influences musicales, Shapeshifter caresse le nu-jazz, le rock progressif, le trip-hop et la world music pour perdre l’oreille et l’emmener plus loin. Voici une approche innovante et forte de la musique électronique où les appareils sont relégués au rang d’accessoires, pour laisser la part belle aux instruments analogiques, créant ainsi une humanité profonde à des arrangements étonnamment subtils.


Avec sa pochette glacée comme un soir de novembre, déchirante, et pourtant incandescente comme les sentiments qu’on ressent ces soirs-là, « The system is a vampire » n’est pas un album, c’est une expérience loin de son quotidien, dans ses doutes et ses rêveries.


Shapeshifter vous offre un périple virevoltant et magistral qui vous laissera conscient et apaisé.
Depuis combien de temps n’avez-vous pas voyagé dans votre esprit ?



Pour écouter les morceaux de l’album, rendez-vous sur le Myspace du groupe :


Myspace : Myspace.com/shapeshifterlive
Site officiel (FWA of the day s’il vous plait) : Shapeshifter.co.nz


Le disque peut être trouvé chez les disquaires indépendants, et acheté online.

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A propos de l'auteur

30 ans, Eurasien, Paris. Directeur associé de Studio EMF. Ancien diplômé de l'ESC Toulouse. Passionné de mode et de voyages. Amateur de boxe française et d'arts martiaux chinois.

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