Foals Total Life Forever



Il est des petites différences qui permettent de distinguer le sexe de la musique. Étonnamment.


Dans le sexe, la seconde fois on sait déjà ce qu’il faut faire, et éviter, on est à l’aise, la confiance est désormais plus franche. Tout va bien.


En musique, la seconde fois ressemble à un petit enfer : les regards se posent sur sa nuque, l’audience semble attendre plus, vouloir quelque chose, attendre quoi, mon dieu, mais quoi ?? On vit une telle pression qu’il est bien facile d’échouer, la défaite ayant alors le goût amer de la solitude hélas retrouvée. Comme une première fois au lit…


C’est dans ce climat pesant que voici le nouveau, et second, album des britanniques de Foals, quelques années après un premier disque auréolé des lauriers alors luxuriants du math rock populaire en ces temps.
Le « math rock », quel terme abscons et bouché. Je fais du rock en me posant deux minutes sur ma structure rythmique et mon orchestration, j’aime ne pas respecter les schémas de construction pop. Je fais donc du math rock. La démonstration est sans appel. Et sans utilité. « Matho ergo sum ».
Et Foals se calait si bien dans cette façon poseuse d’appréhender sa musique. Un premier disque fort plaisant, mais avec un manque sérieux de dérision.
Avec « Total life forever », réussiront-ils à perdre leurs gestes appuyés et à sortir de leur carcan musical, maintenant que tout le monde les attend au tournant ?



Dès les premiers accords du disque, on est surpris par la légèreté des arrangements. Une sensation d’intimité et de douceur feutrée vient caresser les oreilles.


La guitare se fait aquatique et 60’s, la voix semble résonner depuis le fond d’une grotte de bord de mer. Et les chœurs arrivent enfin, tels les Beach Boys, pour colorer en nuance ces sensations musicales.
Le rythme se met doucement en place, sans se laisser voir, et fait bouger les hanches dans un rock lent et insouciant.
Alternant avec malice les montées en puissance, telles que « Blue blood » ou « This Orient », et les valses intimes, comme « Miami » ou « Total Life Forever », le disque dévoile une cohérence inattendue et enivrante.


On passe ainsi, sans vague ni heurt, de paysages de banquises, irradiants de lumière et de solitude, comme sur le merveilleux « Spanish Sahara », à des plages vues en rêve, douces, ombragées et dont le charme fait languir, comme sur le délicieux « Black gold ».


Car c’est bien du cœur que vient désormais la musique de Foals, plus de la tête.
Comment ne pas être touché par les paroles de « Miami » :
« I promised you an ocean of mother of pearl, gold and indigo. Cut through the waves, I watched you swim away. I’ll never love you more than today. (…) Would you be there (…) or save me from you?”
ou par celles de “Spanish sahara” :
“It’s Spanish Sahara, the place that you’d wanna leave the horror yeah (…) I’m the ghost in the back of your head, cause I am, I am the fury in your head”.


Avec une indolence feinte où la musique prend les couleurs pastels de l’océan et de la nature, Foals dévoile en réalité ses doutes et ouvre son cœur. Les voix aériennes et la guitare solitaire de « 2 Trees » sonnent comme un Paris Texas charnel et hésitant. « What remains » fait intervenir les machines dans une rythmique envoutante, tribale et si chaleureuse qui conclut le disque comme un feu partagé en soirée sur la plage.


Habillé de tous les bleus, du ciel à l’outre-mer, du roi au marine, « Total Life Forever » est un disque étonnant qui fait plonger dans l’océan pour en sentir toutes les richesses, de la chaleur aride à l’ivresse des profondeurs. Faisant ainsi superbement écho à la pochette de l’album.


Foals n’est plus le groupe poseur qu’on a connu, il s’est désormais taillé une place raffinée dans l’interstice infime qui existe entre style et sincérité. Malicieux et fragile, « Total Life Forever » réussit un grand écart incroyable et remporte tous les suffrages.



Un des disques de l’été, un des disques de l’année.


A noter que l’édition limitée propose un second disque de variations musicales autour des thèmes des morceaux de l’album. Aux antipodes du remplissage marketing, ce disque offre avec grâce une relecture subtile des compositions et arrangements. Prolongeant le plaisir, et révélant les talents du groupe, voici un bonus à consommer avec gourmandise.


Ecoutez Total Life Forever sur le Myspace de Foals : Myspace.com/Foals
Site officiel de Foals : Foals.co.uk
Clip de « Spanish Sahara » sur Youtube :Spanish Sahara
Clip de « Miami » sur Youtube : Miami
Clip de « This Orient » sur Youtube : This Orient

A propos de l'auteur

30 ans, Eurasien, Paris. Directeur associé de Studio EMF. Ancien diplômé de l'ESC Toulouse. Passionné de mode et de voyages. Amateur de boxe française et d'arts martiaux chinois.

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